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par Nicolas Valot
Comment devient-on chercheur ?
Quelles sont les règles implicites et les pratiques qui gouvernent la préparation de la thèse ?
Peut-on tenter de répondre collectivement et de manière réflexive aux questions que se posent les doctorants ?
Sébastien Kapp, sociologue, diplômé de l’EHESS, donnera des éléments de réponses à ces questions ce vendredi 15 novembre à 17h45.
A cette occasion, il présentera et signera son dernier livre, nouvellement paru aux éditions EHESS, écrit en collaboration avec Moritz Hunsmann.
Ce livre, préfacé par Howard S. Becker, rassemble les contributions de vingt-huit chercheurs réunis dans un séminaire qui s’est tenu sur plusieurs années au sein de la prestigieuse EHESS. Il aborde les aspects du jeune chercheur : le choix du sujet et de la méthode d’enquête, les relations avec le directeur de thèse, l’écriture, les publications, les opportunités du numérique, la présentation orale ou encore l’adoption d’une posture de recherche et l’engagement en tant que chercheur.
L’objet de cet anti-manuel est d’établir le lien entre expérience individuelle conditionnée par la place centrale qu’y occupe l’écriture et le contexte institutionnel et collectif de la recherche dans lequel on peut quelquefois se perdre.
Enjeu collectif ou malaise personnel, voire occasion d’exercer sa capacité de penser, une conviction unanime a porté ses auteurs : "faire de la recherche" et "écrire une thèse" sont des savoir-faire qui non seulement s’apprennent, mais aussi se transmettent.
LA RECENSION QUI SUIT EST ECRITE PAR PAUL BRIERE ELEVE DE 2°2
"Sébastien Kapp est un jeune docteur en sciences sociales puisqu'il a été élevé au grade de Docteur en Sociologie hier, devant un jury de huit professeurs et un parterre de 40 personnes.
Il nous présente aujourd’hui son livre intitulé Devenir chercheur, écrire une thèse en sciences sociales qu’il a dirigé avec Moritz Hunsmann. Ce livre est le fruit d’un séminaire qui s'est tenu pendant 5 ans à l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales), afin de former de futurs docteurs ou chercheurs en sciences sociales. Ce livre rassemble 28 contributions de professeurs et de chercheurs. Il est préfacé par Howard Becker, un sociologue américain célèbrissime né en 1928 et qui fut rapporteur à son jury de thèse.
Ce compte-rendu tente de réunir les idées exposées clairement durant la conférence ainsi que les remarques se rapportant au sujet. On y trouve également le jeu de questions-réponses pouvant être mis en correspondance indirectement à la conférence dans le cadre de discussions parallèles, avec le conférencier pendant le petit cocktail qui s'est tenu à la fin.
Il y a deux principaux axes de recherche pour les sociologues : les livres, et les articles de revues scientifiques.
Plusieurs problèmes pour l’écriture de la thèse ont été rencontrés durant le séminaire :
L’épistémologie (le fait de se demander ce que l’on fait au moment où on le fait.)
La plupart des chercheurs font face à des problèmes qu’ils estiment comme personnels. En réalité, il s’agit de problèmes collectifs et c’est à plusieurs qu’ils doivent être réglés. (Souligné dans la préface de H. Becker)
Il n’existe pas de problèmes de connaissance, mais plutôt une difficulté à savoir ce qui est attendu de la thèse.
Tous ces problèmes et ces questionnements ramènent à l’aspect sociologique et collectif de la thèse, qui est un phénomène qui pourrait attraire beaucoup plus au rassemblement que ce n’est le cas.
Le directeur de thèse est une personne expérimentée, qui guidera la recherche et conseillera le thésard dans ses choix, ses sources. Les deux personnes entretiennent généralement des relations particulières, sujet sur lequel Sébastien Kapp n’a voulu s’étendre.
Un séminaire de recherche est un cours qui se déroule néanmoins sans relation de supériorité (professeur/élève) où tout le monde va discuter et donner son avis sur le sujet débattu, afin de trouver une solution collective au problème. Le problème en question était le suivant : Comment écrire sa thèse en sciences sociales, quels sont les aspects concrets de la thèse. Il y a peu de financement pour les séminaires, qui ne sont généralement pas soutenus par l’État. Il y a donc des difficultés à le diriger.
Étapes de la thèse du projet de thèse :
Rédaction de 15/20 pages sur le sujet sur lequel on désire écrire sa thèse. Ici est la première difficulté, car le thésard se retrouve livré à lui-même et à son écriture. Il est compliqué de se lancer dans un projet de thèse car les choix sont vastes, et chaque petite erreur peut déjà compromettre la rédaction de la thèse.
Écriture d’un projet de financement. Il n’est pas non plus aisé de trouver des subventions sans encore avoir écrit de thèse.
Premières enquêtes, premiers travaux, premières recherches.
Rédaction des résultats de la recherche.
Recherches d’avis, dernières corrections.
Précisons quelques éléments sur l’écriture de la thèse et sur l’écriture en général :
Dans la thèse, il y a toujours une source écrite à la base d’un travail.
L’écriture n’est pas la rédaction.
En écrivant viennent des choses qui ne nous auraient jamais effleuré l’esprit autrement. L’écriture est le renouvellement permanent de la réflexion et de l’esprit. C’est ce qui élargit notre façon de penser et de voir les choses.
Les professeurs en université demandent souvent aux élèves d’écrire une vingtaine de minutes au début du cours lorsqu’ ils n’ont pas d’idée. Il est suggéré d’écrire son nom ou son adresse, car quelque chose germera systématiquement ensuite. On doit ce principe actif à Howard Becker.
Lorsque l’on "se lance" dans une thèse, on ne sait généralement pas absolument pas comment formuler, comment commencer, et comment rédiger. C’est la question que soulève la préface de Howard Becker et qui en expose également les solutions.
Les doctorants sont pour la plupart formatés à la copie d’examen, et n’arrivent pas à voir autrement leur rapport à l’écriture. Un des buts de la thèse est de faire évoluer cette relation entre le doctorant et l’écriture.
L’écriture n’a pas pour seule utilité de rendre compte d’une connaissance ; elle sert aussi à penser, mais surtout à faire penser.
Socialiser l’écriture, c’est donc faire relire, partager, demander des avis. C’est une étape primordiale dans la rédaction de la thèse comme de toute autre œuvre. Rester fermé par rapport à son écriture, c’est refuser de la faire évoluer, et se fier à son premier jet d’écriture.
Durant sa conférence, Sébastien Kapp a digressé sur de nombreux sujets tous plus intéressants les uns que les autres. En voici un.
L’école des Hautes Études en Sciences Sociales est issu de l'école Pratique des hautes études est né en 1947 et aujourd'hui elle est l’une des plus grandes écoles de Sciences Sociales au monde.
Elle regroupe plus de 1800 doctorants, 800 étudiants et chercheurs. On peut y entrer à partir du Master 1. Elle regroupe six écoles doctorales cohabilitées (Ecole normale supérieure, l'école polytechnique, Université de Paris1 Panthéon-Sorbonne, Ecole des Ponts Paris tech, Université Paris X Nanterre, Institut Télécom) et 200 thèses sont soutenues par an.
Beaucoup des grands chercheurs mondialement reconnus (Mauss, Braudel, Levi-Strauss, Bourdieu, Touraine, Godelier, Barthes, Vernant,) sont issus de l’Ehess et/ou ont fait carrière ensuite au Collège de France.
L’EHESS est le premier partenaire du Centre National de la Recherche Scientifique dit CNRS.
Les Sciences Sociales enseignées à l’EHESS sont l' Histoire sa matière de prédilection, la Sociologie, l'Anthropologie, l' Economie, les Sciences Politiques, la Géographie et les sciences du langage.
On considère aujourd'hui qu’il y a deux façons de voir le monde associées à deux catégories de personnes distinctes dans la société : "les littéraires" qui s’opposent aux "scientifiques". Cette opposition est bien-sûr caricaturée (le scientifique étant celui qui fait des expériences, et le littéraire étant la personne qui lit des livres). Ces deux stéréotypes, sont, bien évidemment, partiellement faux, car on ne peut pas s’empêcher d’y trouver une vérité évidente. Mais, le plus important n’est pas de savoir lequel des deux l’emportera du littéraire et du scientifique, mais bien de déduire où se place le sociologue et l’économiste dans ces deux pôles extrêmes. Il regroupe bel et bien les capacités de chacune des deux « divisions », mais se étudie sur des choses que ni littéraires ni scientifiques ne pourraient étudier mais Il faudrait bien plus longtemps pour épuiser le positionnement et les outils analytiques du sociologue."
Paul Brière
Sebastein Kapp en salle A 01